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Le vin social et politique

Le vin sur la scène de l'histoire


par Amancio Tenaguillo y Cortázar


Le vin sur la scène de l'histoire :
1) 1907 - La révolte des vignerons dans le Midi
2) 1911 - Gaston Couté et la révolte des vignerons marnais
3) 14/18 - Le "Père Pinard" ou le vin des Poilus

Egalement dans la série "Le vin social et politique" :
De Pasteur au "French Paradox" et à la loi Evin


Le vin peut-il être, au même titre que le politique ou le social, un objet d'histoire?

Pour Théodore Zeldin, historien britannique auteur d'une monumentale Histoire des passions françaises de 1848 à 1945, cela ne fait aucun doute : "Le vin a joué dans la vie des Français un rôle aussi considérable et aussi complexe que celui joué par les idées politiques ou sociales". [1]

De même, selon Gilbert Garrier : "Boire et parler du vin, c'est consommer de l'espace et du temps. C'est être intensément historien." [2]

Cette double fonction socialisante et d'historisation du vin sera illustrée ici à travers l'évocation de trois crises sociales et politiques : les révoltes des vignerons, dans le Midi en 1907 et dans le vignoble champenois en 1911, et la guerre de 14/18.

Si les révoltes des vignerons, surtout en 1907, ont fait trembler la République et l'unité nationale, au contraire, pendant la Première guerre mondiale le vin personnifié dans le "Père Pinard" a été le symbole de l'union sacrée autour des "Poilus" défenseurs de la Patrie.


2) 1911 - Gaston Couté et la révolte des vignerons marnais


Au début du XXe siècle, la révolte gronde dans le vignoble champenois, et surtout parmi les vignerons de la Marne qui doivent faire face au prix élevé de la terre et au poids des impôts alors que, depuis près de dix ans, les récoltes sont mauvaises : le phylloxéra, le gel et les orages ravagent la vigne. Et quand les années sont bonnes, la surproduction fait chuter les prix. Les vignerons marnais sont soumis à la loi du Négoce qui achète le raisin des petits exploitants pour fabriquer le champagne et qui fixe le prix du raisin. Or certains négociants préfèrent acheter à moindre prix des vins venus d'ailleurs.

Le 16 octobre 1910, un meeting organisé par la Fédération des syndicats viticoles de la Champagne rassemble à Épernay 10 000 vignerons. Mais le ton monte et le 4 novembre 1910, dans plusieurs communes du vignoble, la grève de l'impôt est décidée. Les jours qui suivent voient se multiplier les mises à sac des caves et celliers des négociants. Devant une situation quasi insurrectionnelle, le 31e régiment de dragons d'Épernay et des renforts de quatre autres régiments bloquent les accès aux principales villes et montent la garde chez les négociants. Le 20 janvier, le préfet calme les vignerons en s'engageant à obtenir l'arrêt de l'achat de vins étrangers.

Gaston Couté (1880-1911) chansonnier anarchiste, déjà fort célèbre dans les cabarets parisiens, accompagne la révolte des vignerons de la Marne de juin 1910 à avril 1911, en quatre chansons : "Le beau geste du sous-préfet sur l'air" : ça vous fait tout d' mëm' quelque chose. "A Epernay, M. Nepoty, sous-préfet, a pris l'initiative de faire placarder dans les communes viticoles le discours de M. Briand" (Guerre Sociale, du 25 au 31 janvier 1911) ; "Cantique à l'usage des vignerons champenois" sur l'air : Esprit saint, descendez en nous ! "A Vandières, des vignerons ont résolu, en raison des poursuites exercées pour la perception des impôts, de ne laisser pénétrer aucun huissier sur le territoire de la commune et de ne rentrer dans la légalité qu'après avoir reçu les satisfactions qu'ils réclament" (Guerre Sociale, du 1er au 7 février 1911) ; "Ces choses-là. Au Vigneron Champenois" sur l'air : Ce qu'une femme n'oublie pas (Guerre Sociale, du 12 au 18 avril 1911) ; "Nouveau crédo du paysan" sur l'air : Le Credo du Paysan (Guerre Sociale, du 19 au 25 avril 1911).

Gaston Couté entre à "La Guerre Sociale"
La Guerre Sociale du 22 au 28 juin 1910

Chaque semaine nous publierons de lui une chanson satirique d'actualité. L'auteur des "conscrits", des "gourgandines", du "christ en bois" et de tant d'autres poèmes d'une langue si savoureuse et si forte, vulgarisera à sa façon les idées de révolte et d'émancipation qu'il a toujours défendues.

Tous ceux qui apprécient le talent de Couté se réjouiront... Se réjouiront aussi tous ceux qui regrettent le temps où la chanson satirique, écrite au jour le jour, constituait un des plus sérieux moyens de propagande révolutionnaire, le temps où les Jules Jouy, les Clovis Hugues, les Louis Marsolleau, les uns morts aujourd'hui, les autres passés de l'autre côté de la barricade, maniaient si bien le fouet de la satire.

La Guerre sociale est heureuse qu'un poète comme Couté ait accepté de mener dans ses colonnes le bon combat contre la bêtise des Riches et des maîtres, contre les iniquités de l'ordre bourgeois.


Nouveau crédo du paysan
Air : Le Credo du Paysan
(Guerre Sociale, du 19 au 25 avril 1911)

Bon paysan dont la sueur féconde
Les sillons clairs où se forment le vin
Et le pain blanc qui doit nourrir le monde,
En travaillant, je dois crever de faim ;
Le doux soleil, de son or salutaire,
Gonfle la grappe et les épis tremblants ;
Par devant tous les trésors de la terre,
Je dois crever de faim en travaillant !

Refrain
Je ne crois plus, dans mon âpre misère,
A tous les dieux en qui j'avais placé ma foi,
Révolution ! déesse au cœur sincère,
Justicière au bras fort, je ne crois plus qu'en toi ! (bis)

Dans mes guérets, au temps de la couvraille,
Les gros corbeaux au sinistre vol brun
Ne pillent pas tous les grains des semailles :
Leur bec vorace en laisse quelques-uns !
Malgré l'assaut d'insectes parasites,
Mes ceps sont beaux quand la vendange vient :
Les exploiteurs tombent dessus bien vite
Et cette fois, il ne me reste rien !

Au dieu du ciel, aux maîtres de la terre,
J'ai réclamé le pain de chaque jour :
J'ai vu bientôt se perdre ma prière
Dans le désert des cieux vides et sourds ;
Les dirigeants de notre République
Ont étalé des lois sur mon chemin,
D'aucuns m'ont fait des discours magnifiques,
Personne, hélas ! ne m'a donné de pain !

Levant le front et redressant le torse,
Las d'implorer et de n'obtenir rien,
Je ne veux plus compter que sur ma force
Pour me défendre et reprendre mon bien.
Entendez-vous là-bas le chant des Jacques
Qui retentit derrière le coteau,
Couvrant le son des carillons de Pâques :
C'est mon Credo, c'est mon rouge Credo !



Sources : Christian Lassalle, "Gaston Couté, "poète beauceron", et la révolte des vignerons marnais en 1911", Association 1851 pour la mémoire des Résistances républicaines, [En ligne] http://perso.wanadoo.fr/negrel/themes/gaston_coute.htm. Page consultée le 15 janvier 2005.

mise en ligne : 01/03/2005

POUR CITER CET ARTICLE :
Amancio Tenaguillo y Cortázar, "Le vin sur la scène de l'histoire 2 : 1911 - Gaston Couté et la révolte des vignerons marnais", in "Le vin social et politique", Cepdivin.org, mars 2005, [En ligne] http://www.cepdivin.org/articles/tenaguillo03.html (Page consultée le ).


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