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Malaise dans la civilisation
(De la liberté de boire et de fumer)


par Amancio Tenaguillo y Cortázar


"En lo que no es justa ley
no ha de obedecer al Rey"
[1]


En Espagne, la loi sur la vigne et le vin de 2003 stipule, dans son préambule, dès la première ligne : "Le vin et la vigne sont inséparables de notre culture". ("El vino y la viña son inseparables de nuestra cultura. Desde que el hombre deja testimonios gráficos para la historia, aparece en escena con una jarra de vino en la mano: en las pinturas egipcias, en las ánforas griegas, en los mosaicos romanos." (JUAN CARLOS I, REY DE ESPAÑA, LEY DE LA VIÑA Y DEL VINO - 10 de julio 2003)

On est bien loin, en France, d'une telle déclaration ! LIBERATION qui s’intéresse à un "collectif de "viticulteurs de base" (qui) traverse la France pour défendre leur métier", souligne "qu’arrêter de diaboliser le vin et l’inscrire comme aliment dans la Constitution française" fait partie des trois principales revendications du collectif.

Mais, tout étant relatif, rappelons aussi que l'Espagne a été l'un des premiers pays européens à interdire le tabac dans les lieux publics.

La campagne de diabolisation du vin et du tabac est le signe doublement inquiétant d'un malaise dans notre civilisation. Ce nouvel "ordre moral" qu'on veut nous imposer, sous prétexte de santé publique, est pour Jean-Claude Pirotte l'expression symptomatique de la force grandissante des "démocraties totalitaires" contre lesquelles, dans ses derniers livres, Un bruit ordinaire (2006) Expédition nocturne autour de ma cave (2006) et Absent de Bagdad (2007), il fait précisément oeuvre de résistance. Comme le remarque, dans un article tout récent, Hugues Robaye ("Trois oeuvres de résistance, de clandestinité et de désobéissance civile") : "En toile de fond des trois livres, l’auteur place les régimes policiers de nos démocraties commerciales où ce qui s’écarte du modèle de développement économique est pourchassé et réprimé. Et ce modèle de développement économique violent va à l’encontre de l’humanité profonde." Et quoi de plus humain que le vin ? qui témoigne depuis l'aube des temps du sens de notre civilisation.
(ATC, 31/01/07)

Simon de VOS : Réunion de fumeurs et de buveurs
Simon de VOS (Anvers, 1603-1676), Réunion de fumeurs et de buveurs, 1626.
Peintureà l'huile sur toile, 63 x 93 cm. © Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard


Dans VALEURS ACTUELLES [2] :

  • Sous le titre "Eloge du vin et de la liberté de boire" Bruno de Cessole présente Expédition nocturne autour de ma cave de Jean-Claude Pirotte (Editions Stock).
    A cette occasion, le journaliste se demande si "notre vertueuse société de procureurs, après avoir jeté l’anathème sur le tabac, s’en prendra [...] bientôt par souci hygiéniste au vin et aux buveurs". Assurant que "tout le laisse croire" tant "sévit la dictature puritaine des bonnes intentions", Bruno de Cessole estime que "nous serons bientôt condamnés par l’intolérance au plaisir délictueux de ne boire que dans la clandestinité". Jugeant que "lire et boire participent pourtant du même état de civilisation", il fait observer que l’assertion n’est pas de lui mais de Jean-Claude Pirotte qui a "définitivement élu le jus de la vigne comme compagnon quotidien" et qui ne "délaisse la compagnie fraternelle des poètes de sa bibliothèque" que pour faire une "expédition nocturne autour de (sa) cave". Sachant que dans ces "virées bachiques et poétiques" l’écrivain "sait faire partager l’allégresse ébrieuse à son lecteur".


  • Un débat entre Xavier Bertrand, ministre de la santé, et l’écrivain François Taillandier, sur la légitimité d’une interdiction de fumer dans les lieux publics.

  • François Taillandier, qui est opposé à cette interdiction, parle "d’évolution politique véritablement glaçante où l’on voit l’UE [...] sombrer dans une névrose obsessionnelle". Affirmant qu’il est impossible de traiter ici "tous les aspects d’une question de civilisation hautement sensible", il souhaite se limiter au seul exemple de ce reportage télévisé dans un café où le patron avait anticipé la prohibition et où une jeune femme, accompagnée de son bébé, se réjouissait "de pouvoir désormais fréquenter le café sans l’exposer à des nuisances". Selon lui, on aurait pu rappeler à cette jeune maman "qu’un bistro en tout état de cause n’est pas un endroit pour les petits enfants" car "le bistrot, dans notre civilisation, c’est l’endroit où l’on va pour boire (parfois un peu trop), pour jouer (parfois de l’argent) [...] bref pour faire tout ce qui n’est pas très bien vu en famille. Et par conséquent aussi pour fumer. Et puis c’est tout simplement l’endroit où l’on se défoule un peu". Et il interroge : "ceux qui veulent tuer le bistrot [...] ont-ils encore une petite idée de ce qu’est la vie populaire dans nos villages, dans nos banlieues, dans nos quartiers ?" Evoquant l’argument du "très large acquiescement des populations", l’écrivain objecte que c’est un "argument inquiétant" car "on ne voit pas où et quand la soumission de masse a jamais pu apparaître comme un indicateur du bien ou du mieux dans les sociétés humaines". François Taillandier, qui rappelle qu’il y a selon Freud "dans l’être humain une pulsion de mort", considère "qu’en éradiquant les uns après les autres tous les lieux et toutes les pratiques qui permettaient d’intégrer le négatif de l’être humain et sa part d’ombre [...] notre société se condamne à des répressions qui seront de plus en plus implacables contre des violences qui seront de plus en plus imprévues", et il ajoute : "préparons nous à une dérive multisécuritaire à côté de laquelle les rêveries de l’extrême droite sembleront aussi folkloriques que la bourrée auvergnate". Et de conclure : "Préparons nous enfin [...] à voir apparaître un post citoyen étranger à toute idée de responsabilité personnelle, n’ayant plus aucun sens du respect qu’il doit à la collectivité, à son prochain et à lui-même puisque l’Etat tentaculaire se sera chargé de la morale à sa place".

    Notes

    [1] Ce que l'on peut traduire ainsi : Quand une loi n'est pas juste, nul n'est tenu de lui obéir. Pedro Calderón de la Barca, La vida es sueño (La vie est un songe), Madrid, 1636.
    [2] Source : www.drogues.gouv.fr - Revue de presse du 19 janvier 2007)

    mise en ligne : 01/02/2007

    POUR CITER CET ARTICLE :
    Amancio Tenaguillo y Cortázar, "Malaise dans la civilisation (De la liberté de boire et de fumer)", Cepdivin.org, février 2007, [En ligne] http://www.cepdivin.org/articles/tenaguillo05.html (Page consultée le ).


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