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Renaud Camus

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Des nuances du goût... Champagne et champagne

(Vaisseaux brûlés)

294-07a. Oui, mais tous ces j'aime, je n'aime pas fixent abusivement dans l'être et dans le temps des goûts et des dégoûts, ou de simples défauts de goût (ce qui déjà n'est pas du tout la même chose), qui la plupart du temps sont loin d'être aussi massifs, aussi déterminés et surtout aussi constants que pareilles listes ne semblent l'impliquer. Ainsi j'aime beaucoup le champagne, en effet, mais peut-être serait-il plus juste de dire que je l'ai beaucoup aimé, ou que je l'aime bien, certes, mais que cet amour n'est pas tout à fait réciproque, de sorte qu'il finit par se teinter, comme il n'arrive que trop souvent, d'un peu d'aigreur.

294-07b. Jadis le champagne (de même que la cocaïne) me réussissait à merveille. Ce n'est plus tout à fait le cas. Il me débarrassait de la fatigue, me rendait gai et léger, m'aidait à affronter les épreuves physiques de nuits longues. Aujourd'hui il a encore cet effet, dans un premier temps, mais il a aussi tendance à me donner mal à la tête, et surtout à m'empêcher de dormir. Je continue de penser qu'il y a peu de choses plus agréables à boire qu'une flûte de champagne, dans les moments de soif intense et de délassement, de camaraderie joyeuse ou d'heureuse intimité, de fête ou de solennité. Mais deux coupes sont à peu près ma limite celle du moins à laquelle je devrais me tenir, si j'étais sage. Sauf peut-être à midi, quand l'insomnie n'est pas une menace, un repas au champagne est beaucoup plus que je ne peux en envisager.

294-07c. D'autre part le goût affirmé, surtout dans un livre, ou dans une oeuvre littéraire quelconque, crée une espèce de responsabilité. Il engage. On l'associe à vous, on vous en veut d'en changer, ou seulement de le nuancer. Ainsi ces Vaisseaux, malgré leurs turbulences, ont un petit nombre de lecteurs très favorables, qui prennent très au sérieux, et trop littéralement peut-être, les préférences que j'affiche ici, et qui alignent délicatement sur elles leur attitude, si par exemple nous avons l'occasion d'inaugurer ou de développer des relations personnelles. C'est particulièrement net à propos du champagne. Comme j'ai écrit que j'aimais le champagne, plusieurs personnes qui me veulent du bien ont la gentillesse de m'en offrir à table à l'exclusion de tout autre chose, avec une abondance qui souvent dépasse mes voeux.

294-07d. Or par les précisions que j'apporte ici je n'essaie pas d'établir que je n'aime plus le champagne, ou qu'il ne faut pas m'en offrir. Pas du tout. La situation est plus compliquée que cela, et la vérité, si tant est qu'elle importe bien fort, en l'occurrence, est comme d'habitude plus feuilletée, plus contradictoire, mieux stratifiée. J'aime beaucoup le champagne, mais dans des proportions modérées, et à certaines heures plus qu'à d'autres. Sans compter qu'il y a champagne et champagne, bien entendu. Mais je suis loin d'être assez connaisseur pour aussi sensible que ne le voudraient les exigences d'un raffinement véritable aux différences les moins grossières. (22 avril 2001)

Renaud Camus, Vaisseaux brûlés,
http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/vaisseaux/294-07a.html#294-07a Page consultée le 14 octobre 2004.


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