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Du bon usage de l'ivresse

Georges Picard




4e de couverture

"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question" selon Baudelaire. Qui n'est jamais sorti de l'enclos de la sèche sobriété n'a qu'une connaissance étriquée de la vie et de lui-même. Il faut oser les expériences qui nous portent aux limites de la conscience, car l'ivresse est aussi un mode exaltant d'appréhension du Réel, comme l'ont montré jadis les poètes chinois et les mystiques persans, amateurs de poésie et de vin. Le secret en serait-il perdu dans nos sociétés partagées entre l'euphorie artificielle des rave-parties et la prophylaxie maussade des hygiénistes ?

"Sans chimères et sans ivresses, la vie ne connaîtrait que des passions tristes" affirme l'auteur. Ce livre réhabilite une conception intimiste des ivresses maîtrisées, qu'elles soient ivresses du vin, de la mystique ou de la poésie, ivresse des sens ou ivresse de l'esprit.

Extrait

Boire au corps vivant (texte intégral)

Il ne m’est jamais arrivé de croire que l’ivresse soit un moyen de combattre l’ennui pour la raison que je ne m’ennuie guère, très peu souvent et jamais longtemps. Mais que l’ivresse soit plus un moyen qu’une fin n’est pas absolument prouvé. On peut avoir envie de s’enivrer sans véritable raison, ou pour la raison légère de se sentir léger. Boire procure une illusion éphémère qui n’est pas sans agrément. Mais peut-être y a-t-il quand même autre chose de plus dans ce désir d’étourdissement. Je ne suis pas du genre à rouler sous la table, ni même à picoler très souvent. Trop boire tue la soif et anesthésie les sensations fines.
Mauvais chemin. Il faut plutôt se mettre en disposition et s’arrêter très vite en évitant les alcools forts qui abrutissent*. Un verre de bon vin a ma préférence. J’affirme qu’il est d’une grande conséquence de ne s’enivrer qu’à un moment choisi, après s’être débarrassé de ses soucis car, à les prendre avec soi, on est à peu près sûr de les excéder jusqu’au pessimisme. Mieux vaut s’enivrer quand on est heureux ; la tristesse déteint partout et décolore tout. Le vin triste est une malédiction. L’ivresse permanente aussi, je le soutiens contre Baudelaire et son comminatoire : « Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question ». Certes, il précise que l’on peut s’enivrer « de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise » – mais l’ivresse permanente, même l’ivresse de poésie, est soûlante à la longue. Je prends le contre-pied de cette curieuse hygiène existentielle, d’un romantisme quelque peu exalté, qui conduirait, si on pouvait l’appliquer, à une espèce de folie monotone et vite retombante. L’idée serait plutôt de s’enivrer rarement pour conserver de la fraîcheur aux sensations aériennes et colorées que procure une ivresse maîtrisée. Ce n’est pas tout à fait un art, ni même une technique ; c’est presque déjà une esthétique. Peut-être suffirait-il de s’enivrer dix fois dans sa vie, à condition de préparer ces expériences et d’en exploiter ensuite intensément le souvenir. L’époque ne nous y prépare guère qui nous voue au quantitatif, à la répétition boulimique et morose de la consommation réplétive. S’enivrer : vous voulez dire se soûler, se beurrer, se torcher ? Qui croit que se cuiter étanchera jamais une certaine soif peut cuver sans moi. Non que je sois moi-même toujours capable d’une telle économie vitale : je ne peux qu’envier les vrais épicuriens, puristes du plaisir mesuré. Comme la majorité des gens, sans doute, je goûte mal à la vie, faute d’un clair parti pris. Quand on ne peut contraindre ses appétits, au moins devrait-on avoir la ressource de les déchaîner à la façon rabelaisienne, buvant « pour la soif advenir et éternellement ». Au lieu de quoi, nous buvons la plupart du temps sans authenticité ni conscience, rarement à la bonne mesure. Comment tirer philosophie de ce train médiocre ? Si les Dieux n’ont plus soif, c’est que nos libations ne les sollicitent plus. Les dieux antiques s’enivraient pour exalter le lyrisme surnaturel de leur état. En contrepartie, les hommes s’enivraient pour glorifier les dieux et participer à la griserie dionysiaque de la Création. C’était le temps héroïque des ivresses magiques. Dans un monde matérialiste, l’hydromel est un breuvage de dupe. Quant au sang du Seigneur, il y a belle lurette qu’il n’irrigue plus que les esprits complaisants envers un sacré de routine. Même la dive bouteille provoque des aigreurs aux derniers fidèles de Bacchus. Boire a été rabaissé à un acte social et économique, provoquant des injonctions hygiéniques dont le but déclaré est la préservation de l’équilibre budgétaire de la Sécu. Pour le dire clairement, je me fous de la santé publique. Cette santé-là n’est qu’une affaire de statistiques pour laquelle les corps ont la minceur d’unités arithmétiques. Je préfère boire au corps vivant, chaud, frissonnant, éphémère, singulier. Le sacré, c’est la réalité de ce corps qui passe - si présent et bientôt éternellement absent. Je n’en vois pas d’autre.
Source : Editions José Corti - www.jose-corti.fr

Presse

"Si, comme René Magritte s'est employé à le montrer avec une évidence imparable dans l'un de ses tableaux parmi les plus célèbres, le Thérapeute est bien cette sorte de fantôme qui protège en lui-même la cage ouverte aux oiseaux, alors de thérapeute, nous en possédons un de la meilleure espèce avec Georges Picard. Un bon thérapeute n'est-il pas en effet celui qui possède assez de recul et de sensibilité pour s'immerger, sans en périr lui-même, dans l'océan des maux qui reviennent avec chaque marée du sens ? Depuis Histoire de l'illusion, pas moins d'une dizaine de livres se sont ainsi penchés sur notre inguérissable condition, et chaque fois, la précision du diagnostique s'en est accrue. Mais au lieu que la lucidité du scripteur nous conduise aujourd'hui vers l'amère constat d'un scepticisme ravageur, c'est notre capacité à vivre mieux, plus conscients et plus libres de nos choix que ce livre développe à travers l'étude d'un sujet majeur : l'ivresse. En simplifiant énormément, on pourrait poser que Du bon usage de l'ivresse, possède la structure d'un essai mais il faudrait alors ajouter qu'il s'agit d'un essai d'une espèce résolument moderne, sans aucun des défauts qui trahissent en général l'empreinte du moule universitaire. Ce livre pourrait tout aussi bien se présenter comme une conversation approfondie, un monologue, un penser à voix haute, ou la déconstruction calme et joyeuse des mauvais plis qui finissent par transformer un visage jadis avenant en faciès de con austère et dogmatique. Georges Picard est un surdoué de la lucidité bonhomme, celle qui met à nu les travers du discours d'opinion ; marque des grandes plumes mais aussi des livres qui ne vieillissent pas, en résumé bons à vivre. Généralement, qui rend visite au thérapeute se trouve dans une situation d'urgence qui exige une réponse appropriée au mal dont il souffre, demande à laquelle les imposteurs patentés répondent par des allégations mystico-religieuses qui ne résolvent rien que les maux rémanents des dogmes en périls et non ceux des mal-portants que nous sommes. Du bon usage de l'ivresse est le titre joyeux qui masque un titre plus sérieux qui pourrait être : Du bon usage que l'on peut faire de soi en dépit des imposteurs et du reste. Un gai-savoir sans penchant tragique ; exactement la prescription qui convient pour mettre un terme provisoire – mais c'est à chacun n'est-ce pas, de stabiliser ce don-ci ? – au désordre induit des sens et des pensées. Un bon thérapeute n'administre aucun remède, il se contente de dénouer l'écheveau complexe des pathologies afin d'offrir aux patients, la topographie la plus claire possible de leur état délétère et de ses causes plus l'horizon ouvert d'une autre voie possible. On gagnera beaucoup à picorer pendant l'été des graines de vrai bonheur chez un penseur doublé d'un prosateur hors norme, capable de toucher tous les publics, de parler toutes les langues sans en dénaturer les vertus."

Claude Margat, Le Monde Libertaire, 21 septembre 2005

L'auteur

Georges Picard est né à Paris en 1945. Il a suivi des études de philosophie et a ensuite occupé différents postes dans le milieu de l’édition. Il est actuellement journaliste à 6O millions de consommateurs. Il est l'auteur de plusieurs essais : Histoire de l’illusion (1993), De la connerie (1994), Du malheur de trop penser à soi (1995), Le Génie à l’usage de ceux qui n’en ont pas (1996), Tout m’énerve (1997), Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison (1999), Le Vagabond approximatif (2001), Tous fous (2003).

mise en ligne : 30/09/05


Références
Titre : Du bon usage de l'ivresse
Auteur : Georges Picard
Editeur : José Corti
Parution : 09/09/2005
Nombre de pages : 168
Format : 14 cm x 18 cm, broché
Prix euros : 14,50 Euros
ISBN : 2-7143-0905-4
EAN : 9782714309051



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